Nous nous retrouvons sur ce parvis où sonnent chaque jour, vers midi, Le Bon roi Dagobert et Le Temps des cerises : au pied de la Maison commune, devant le mausolée des rois.
Seulement, en ce lundi 17 avril au soir, les casseroles ont remplacé le carillon.
Du timbre des panoplies de cuisine on couvre symboliquement le soliloque de Romulus Gaullustule.
On est là quelques dizaines, deux cents peut-être, bataillon rassemblé à la hâte par l’astucieux mot d’ordre d’ATTAC, pour nos retraites et la démocratie. Sans doute, dans cette joyeuse compagnie, nous sommes plusieurs à nous dire que, si d’autres sont autant par chez eux, alors nous devons être assez nombreux, partout en France.
Dans le vent d’un printemps encore froid, on forme cercle, quelques drapeaux frissonnent.
Des malins ont déployé leur banderole : « MONARC DÉGAGE ». L’anagramme est bien trouvée ; elle décorera les grilles de la mairie.
Après trente minutes de ce concert, on se met en marche vers l’ouest, vers Saint-Denys-de-l’Estrée.
Alors, immeuble après immeuble, les façades décrépites s’animent : on passe la tête, on applaudit. Aux méprisés des cortèges se joignent les ignorés des banlieues. Parmi eux, les travailleurs de force et de peine à qui l’on refuse même le droit de vote.
Tout du long le monde se presse aux fenêtres ouvertes en grand. De couvercles il fait des cymbales, et les vendeurs de clopes, les marchandes de bissap et d’arachides esquissent sur les trottoirs de gracieux pas de danse.
Jamais sans doute la rue de la République n’a si bien porté son nom – la République, la Vraie, celle qui ne fait pas honte au pauvre, celle qui ne calomnie pas l’étranger.
Sous les cerisiers nains chargés de lourdes fleurs, la procession va son chemin, reprend en boucle l’hymne des Gilets jaunes :
« Pour l’honneur des travailleurs
« Et pour un monde meilleur… »
Les tramways freinent au carrefour. Des passagers observent, l’œil complice ; des livreurs klaxonnent.
C’est sûr, il se passe quelque chose.
Mauss a écrit que c’est l’opinion qui fait le magicien ; or, voilà que le charme se rompt.
Le monarque discourt mais personne n’en a cure ;
L’avenir déjà s’écrit sans lui ;
Le peuple s’est levé ;
Il ne se couchera plus.
vu de la butte
Parce que de là-haut on perçoit mieux les convulsions du monde. Et parce que la butte évoque les combats populaires, redonne du contenu à une république que nous voulons démocratique et sociale.
Sur ce blog on trouvera, par chance, plusieurs illustrations de l’artiste Vieuvre.-
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