La chronique de la monarchie républicaine vient d’être enrichie d’un épisode dont on ne sait s’il faut en rire ou en pleurer.
La semaine passée, le gouvernement de Sa Majesté annonçait un débat parlementaire sur son nouveau joujou : l’application StopCovid, qui, au prétexte de lutter contre l’épidémie de coronavirus, portera un énième coup de canif à nos libertés. Un débat, oui, mais sans vote, comme le lui permet l’article 50-1 de la très libérale, très démocratique constitution du général, telle qu’amendée par Nicolas Sarkozy. En d’autres termes, la représentation nationale pourrait ainsi disserter tout son soûl des méfaits et des vertus du tracking… sans avoir la faculté ni de rejeter, ni même d’adopter le mouchard téléphonique.
Le 20 avril, cependant, l’opposition se réveille. On la croyait enfuie à Bordeaux : la voilà qui se cabre face à l’exécutif, exige un vote à l’issue du débat. Nous devons à l’humour de souligner que dans cette opération hardie, les députés d’extrême-droite, ennemis patentés des libertés, mais cyniques en diable, vont de conserve avec les autres groupes parlementaires, offrant ainsi l’occasion à la presse la plus respectable de répéter en boucle cette formule scabreuse : « toute l’opposition, du Rassemblement national à la France insoumise. »
De plus en plus généreux, à la limite même de la prodigalité, Édouard Philippe juge « entendable » la requête de l’opposition. Le 23 juin 1789, le marquis de Dreux-Brézé, grand-maître des cérémonies de Louis XVI, avait exigé du tiers état qu’il quittât la salle des Menus plaisirs, donnant lieu à la fameuse réplique de Mirabeau (« Nous sommes ici par la volonté du peuple, etc. ») ; on peut dire que notre grand vizir n’est guère plus aimable, et à peine plus conciliant.
Quelle sera, in fine, la décision du gouvernement ? L’Assemblée nationale entérinant depuis belle lurette toutes les lois prises contre les droits fondamentaux, on serait tenté de dire : peu importe. On aimerait cependant que, par la grâce du covid-19, les questions touchant aux libertés individuelles ne se trouvent pas soumises au même régime que celles ayant trait aux opérations extérieures de la France : le déni démocratique. Mais d’une république où un décret du monarque suffit à confiner et reconfiner toute la population, on peut craindre le pire.
Une réponse à débat sans vote