la démocratie contre l’État

Estampe tirée des Prisons de Piranèse.

Le covid-19 a sonné le grand retour de l’État.
On le pensait passé par pertes et profits, biffé d’un trait de plume dans le livre de comptes du néolibéralisme ; on croit le redécouvrir à mesure que sont prononcés les mots frontières, protectionnisme, nationalisations, souveraineté, etc. Partout, on n’entend plus parler que de ce barbon né du fond des âges. « État social », « État-providence »… pourquoi pas même « État-nation » ! – ombre westphalienne qui, à tout prendre, ne fut jamais qu’un rêve de despotes. « L’État, c’est moi », fait-on dire à Louis XIV ; cette soudaine fringale de puissance publique pourrait bien nous faire oublier que l’État est souvent la chose de quelques-uns, rarement la chose de tous, et en toute hypothèse une menace pour nos droits.

Est-ce donc cela qu’on veut ressusciter ? Ce monstre froid ? Ce Léviathan ? L’ordre sans l’égalité ? La puissance sans la justice ? C’est en tout cas l’avenir qui se dessine, à mesure que s’effondrent les défenses érigées contre sa voracité notoire, contre sa soif inextinguible de contrôle.
Dans ce pays où, au nom de la lutte contre le terrorisme, les lois d’exception sont devenues le droit commun, où le droit du travail ne cesse de s’effacer devant la loi du marché, il était couru d’avance qu’un microbe justifierait les plus graves atteintes aux libertés.
Ainsi, de quinze jours en quinze jours, un simple décret (un mot griffonné sur un coin de table !) tient enfermés chez eux 67 millions d’individus. Si la santé publique exige un confinement, pourquoi pas ? Mais encore faudrait-il pouvoir en discuter le principe, les modalités et la durée !
Cet exemple tragique montre en tout cas que l’État, incapable de mettre en œuvre une politique de dépistage massif en temps utile, excelle lorsqu’il s’agit de jouer les garde-chiourme. D’une marche, l’autre : le confinement n’est pas levé qu’on nous annonce un mouchard numérique destiné à renseigner les autorités sur nos fréquentations. Demain, à quoi consentirons-nous, dans le fol espoir de protéger l’exiguïté de nos existences ?

En vérité, du moment que nous avons accepté ce principe que des décisions peuvent être prises sans nous, nous avons rendu les armes. La pantomime parlementaire n’y change rien : il est un fait que, depuis 1958, la France n’a plus d’assemblée digne de ce nom.
Alors, comment retrouver notre pouvoir de contrôle et d’initiative ? Ce pouvoir collectif de direction de la société, imprudemment abandonné à une bande de comiques troupiers ? Comment donner corps au formidable esprit d’initiative et d’organisation que la société a démontré face à la crise sanitaire, malgré l’impéritie de ses dirigeants en titre ? En instituant  le RIC et le révocatoire, en approfondissant la démocratie et la république, mais certainement pas en substituant l’État au libre-marché.

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