ceux qui « viennent de la gauche »… et ceux qui y vont

Tweet d’Ellen Salvi du 17 décembre compilant les « je viens de la gauche ».

Depuis quelques jours, le gimmick « je viens de la gauche » fait florès chez les membres du gouvernement. Cédric O, Gabriel Attal et Marlène Schiappa ont eu recours à cet argument d’autorité en soutien de leur entreprise de casse méthodique des retraites. Que ne l’avaient-ils dit plus tôt ! S’ils « viennent de la gauche », alors, bien sûr, la « réforme » qu’ils soutiennent ne peut être qu’un progrès social. Face à ces déclarations vibrantes de conviction, il n’y a plus qu’à replier les gaules, les pancartes et les gilets jaunes pour aller se réconcilier tous ensemble autour de la bûche de Noël et de la retraite par capitalisation.

Mais revenons à la raison.
Écartons cet argument comme relevant d’une mystification pure et simple et prenons-le pour ce qu’il est : un signe du temps, l’ombre projetée d’une des lignes de partage qui structurent un espace politique en réorganisation. Et donc une porte ouverte pour toutes celles et tous ceux qui ne croient plus que l’idéal républicain puisse se réaliser dans le système économique et politique actuel – sans forcément avoir mis des mots sur les choses, sans forcément avoir nommé les adversaires : le césarisme présidentiel et le capitalisme néolibéral.
Combien sont-ils, ces largués de la politique qui perçoivent la nécessité d’un changement profond ? Ces femmes et ces hommes, en apparence de sensibilités diverses, qui voient dans le sursaut collectif une source d’espérance et non de crainte ? Qui sentent que, pour survivre à ses démons, la société doit se reconstituer autour de principes de justice sociale et de démocratie ?
Bien plus nombreux qu’on ne le croit, sans doute.
J’ai connu pour ma part la confusion et j’ai connu la prise de conscience radicale. Au contraire de M. O, de M. Attal et de Mme Schiappa, je viens de la droite. Et j’ai quitté cette famille de pensée lorsqu’après plusieurs années d’interrogations irrésolues, il m’est enfin apparu que ma compréhension du monde en réfutait point par point les principaux marqueurs idéologiques : de la conception de la nation et de la citoyenneté jusqu’aux enjeux économiques et sociétaux.
Mais, peu importent les étiquettes : seuls les principes comptent. Seul compte le côté que l’on choisit lorsque l’histoire se met à tracer au sol les lignes de fracture qui ont toujours précédé les grands bouleversements : le côté du riche ou le côté du pauvre ; le côté de la res privata ou le côté de la res publica ; le côté des happy few ou le côté du genre humain.

Le macronisme est un effet plutôt qu’une cause. Ès qualité il ne faut pas lui accorder plus d’importance qu’il n’en mérite. Mais comme effet, comme produit d’un temps de confusion idéologique sur fond de transformation de l’appareil productif, il a rouvert le champ des possibles. Par sa violence sociale et politique, il a donné du carburant à la lutte des classes et a revivifié l’espérance d’égalité et de fraternité semée par la Révolution française et par des siècles de lutte de David contre Goliath.
Avant d’être des parjures, les factotums qui se targuent de « venir de la gauche » pour défendre l’indéfendable sont des épiphénomènes. Mais par leur mensonge qui ne dupe qu’eux-mêmes, ils interrogent chacune et chacun d’entre nous en nous faisant nous poser cette question élémentaire :
« Et moi, de quel côté me situé-je ? »

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