Mercredi 27 novembre, la Commission Von der Leyen sera investie par le Parlement européen. Sera ? Sans doute, les partis décatis qui régentent encore l’UE ayant intérêt à soutenir les commissaires issus de leurs rangs. On rappellera toutefois que la candidature de l’ex-ministre de la défense de la RFA, proposée, comme celle de tous ses prédécesseurs, à l’issue d’un processus des plus opaques, avait manqué de peu d’être retoquée par les mêmes députés en juillet dernier. Une intrigue de plus, dans un imbroglio dont nous sommes les affligés spectateurs.
Cette commission qui se veut le gouvernement de l’Europe n’est en fait qu’un théâtre d’ombres. Après les incertitudes quant à sa présidence même, le désaveu infligé à trois candidats commissaires apparaît moins comme le signe de la vitalité démocratique du Parlement que comme celui du doute qui saisit le Vieux Continent. De fait, alors que le Brexit n’en finit plus, alors que les régimes autoritaires se réveillent et s’enhardissent, il semble certain qu’aucun casting ne permettra de modifier le scénario actuel.
Le fait semble acquis que, dans l’UE comme dans les États dont elle procède, les problèmes politiques ne se posent plus en termes de personnes, mais d’institutions. Que pour avoir schunté la volonté populaire en 2005, les gouvernements de l’Europe, partout minoritaires ou partout aux abois, ont définitivement altéré la confiance des citoyennes et des citoyens. Que pour avoir fait du néolibéralisme leur dogme, ces mêmes gouvernements ont donné leurs meilleurs arguments aux ennemis irréductibles de la construction européenne.
Alors, que faire ? Rouvrir les vieilles querelles et les mille ans de guerre ? S’agenouiller devant d’autres impérialismes, plus sûrs de leur fait et de leur bon droit ?
Plutôt reprendre les choses depuis le commencement. Ne pas craindre de couper des fils en démêlant l’écheveau. Rappeler qu’il ne peut y avoir de société politique sans souveraineté populaire. Que les conditions de la solidarité ne sont pas à trouver dans l’économie du partage des restes, mais dans l’espérance du bonheur commun. Redonner vie enfin aux principes dont nous croyons qu’ils sont aux fondements de toute société républicaine et démocratique : services publics, droits sociaux, etc.
Nous autres, Français, n’avons certainement pas le monopole de l’Europe, mais nous possédons une certaine expérience en la matière. Et la contestation politique qui se reconstruit ici même peut être un bon point de départ.
Publié dans La Feuille constituante du 25/11/19.