N’allez pas chercher de biais : la sélection des membres de la « Convention citoyenne pour le climat » voulue par M. Macron est, nous dit-on, im-pec-cable. « On a réellement tiré une France en miniature », assure Loïc Blondiaux, politiste et membre du comité de pilotage de l’opération, rappelant que les techniques des instituts de sondage ont été utilisées pour l’occasion*. Cette assurance de représentativité suffira-t-elle à garantir le caractère démocratique de l’exercice ? Certainement non.
De la même manière que l’institution du suffrage universel n’a pas suffi à faire de la France une démocratie réelle, il ne suffira pas d’enfermer un « échantillon représentatif de la population » dans un bureau du ronflant Conseil économique, social et environnemental, vaisseau fantôme de la 5e République, pour aboutir à des solutions acceptées par le plus grand nombre. Surtout s’agissant d’enjeux aussi graves que le climat, la fiscalité, etc.
En l’occurrence, le biais ne vient pas des tirés au sort, mais de l’origine même de la « convention » : décrétée par le prince, en pleine révolte des gilets jaunes. Comment imaginer que la défiance généralisée envers la puissance publique ne déteindra pas sur cette commission Théodule, fût-elle « citoyenne » ? Le procès d’intention est visible à des kilomètres à la ronde. Déjà il se murmure que l’assemblée fantoche a été installée pour amuser la galerie – et sans doute cette critique aura sa part de vérité.
À moins que…
En 1789, les modalités de délibération des états généraux auraient pu jeter le soupçon y compris sur les députés du tiers, si ces derniers n’avaient imposé les conditions de leur participation : le vote par tête au lieu du vote par ordre.
L’affaire qui nous occupe est incomparable, bien évidemment. Mais elle est analogue, en ce qu’il appartient aux membres de la convention climatique de démontrer qu’ils seront, non pas les faire-valoir du gouvernement, mais les « commis de confiance » du peuple. Comment cela ? En mettant au jour les contradictions d’un État captif des puissances d’argent ; en faisant rendre gorge aux industriels qui jusqu’ici ont été trop contents de pouvoir polluer en se défaussant sur les consommateurs ; en somme : en faisant pour une fois échapper les citoyennes et les citoyens au rôle du dindon de la farce.
* France Culture, matinale du 7 octobre 2019.
Une réponse à faire-valoir du pouvoir ou commis de confiance du peuple ?